Le Colorado est l’un des premiers États d’Amérique à avoir légalisé le cannabis à usage récréatif. Cette légalisation remonte à 2012, et fête cette année ses 10 ans. Une occasion pour faire un bilan du marché et de son avenir.
10 ans de l’Amendement 64
L’amendement 64 a été approuvé à 55 contre 45 le 6 novembre 2012. Il est officiellement entré en vigueur le mois suivant, soit le 10 décembre 2012 pour être plus exact. L’amendement constitutionnel initié par les citoyens a légalisé la possession et la culture à domicile de quantités limitées de marijuana pour les adultes de 21 ans et plus. Il a ordonné à l’Assemblée législative d’établir un cadre réglementaire et des taxes pour la marijuana à usage adulte. Les électeurs ont, par la suite, approuvé sa proposition de taxe en novembre 2013. L’amendement 64 a également légalisé et réglementé la culture du chanvre à usage industriel.
Les ventes réglementées de marijuana pour adultes ont commencé le 1er janvier 2014. Depuis lors, plus de 13,4 milliards de dollars de ventes réglementées de marijuana ont eu lieu dans des magasins de marijuana agréés du Colorado. Les autorités estiment que la grande majorité des ventes de cannabis au Colorado ont lieu sur le marché réglementé. Le ministère du Revenu du Colorado rapporte que plus de 2,27 milliards de dollars de revenus de taxes et de redevances sur le cannabis ont été perçus par le gouvernement depuis le début des ventes aux adultes. Ce qui dépasse de loin les estimations de revenus publiées lors de la campagne de l’amendement 64. On enregistre également des centaines de millions de dollars de revenus supplémentaires grâce aux taxes et redevances locales.
Des recettes utilisée pour l’amélioration du bien-être public
Plus de 400 millions de dollars de recettes fiscales de l’État sur le cannabis ont été alloués à un fonds qui soutient les projets de construction d’écoles publiques. Plus de 226 millions de dollars ont été alloués au fonds et aux programmes des écoles publiques de l’État, visant l’alphabétisation précoce, la prévention du décrochage, la prévention du harcèlement et l’embauche de professionnels de la santé en milieu scolaire. Les recettes fiscales de l’État ont également financé la réglementation de la marijuana et du chanvre, l’application de la loi, la recherche sur le cannabis, la prévention de la conduite avec facultés affaiblies, les programmes 4-H et FFA, les subventions, et les prêts au logement abordable et les programmes de prévention et de traitement de la toxicomanie.
En juin 2022, il y avait plus de 2 950 licences actives d’entreprise de cannabis dans le Colorado. Parmi eux, 950 licences actives d’établissement de vente au détail et 41 948 licences professionnelles actives délivrées à des personnes travaillant dans l’industrie du cannabis.
Des hauts et des bas
Au tout début de la légalisation, les acteurs du cannabis du Colorado ont connu un boom commercial sans pareil. La curiosité sur le cannabis a engendré la transformation de prospects en consommateurs. Sans compter les nombreux cannabistes d’autres États venus exprès pour s’adonner à l’usage récréatif de marijuana. Très vite, de nombreux cultivateurs, transformateurs et vendeurs ont vu le jour. Mais très vite aussi, le marché a mûri, certaines entreprises réussissent et d’autres ferment ou sont englouties par de plus gros poissons.
Le marché a connu de beaux jours, lors de la pandémie de Covid-19 en 2020. Pour soulager le stress du confinement, le cannabis récréatif a gagné beaucoup de consommateurs. De même, le marché a connu certains de ses meilleurs mois de vente, lorsque les personnes qui disposaient de fonds de relance fédéraux avaient peu d’autres endroits où dépenser leur argent.
Une période incertaine
Comme pour tout business, le marché du cannabis au Colorado a également connu des bas. Actuellement, les sociétés de cannabis du Colorado connaissent le pire ralentissement que le marché ait connu. Les chiffres de ventes d’un mois sur l’autre sont en baisse constante, dans un contexte de baisse des prix de gros des fleurs.
Les conditions du marché sont d’ailleurs très mauvaises, forçant les producteurs de marijuana à demander à l’État de cesser de délivrer de nouvelles autorisations de culture. Le cannabis souffre en effet de surproduction, les demandes étant inférieures à l’offre. Une situation qui peut s’expliquer par la légalisation du cannabis récréatif étendue à d’autres États.
Les États limitrophes, tels que l’Arizona et le Nouveau-Mexique, ont maintenant leurs propres marchés pour adultes. Les consommateurs peuvent désormais obtenir du cannabis récréatif légal dans plusieurs régions du pays. Ce qui a pour résultat de fortement impacter le marché du Colorado, le faisant perdre plusieurs centaines de clients.
Un parcours imparfait
Même si la légalisation du cannabis récréatif au Colorado est un modèle pour plusieurs États, il a quand même quelques lacunes. Les acteurs du marché condamnent, par exemple, les taxes demandées par l’État, qui ne cessent d’augmenter. S’il y a une chose à modifier dans la légalisation, ce serait les règles fiscales imposées à la marijuana.
En effet, il faudrait fixer une marge définitive sur les taxes et autres montants à donner à l’État. Ce, afin d’éviter les hausses constantes de ce montant qui font perdre aux cultivateurs, vendeurs et autres acteurs du cannabis beaucoup d’argent. Sans parler des coûts que cela a sur le prix final du cannabis. En augmentant sans cesse les taxes, les vendeurs doivent amortir en augmentant le prix. Ce qui, à la longue, risque de dissuader les consommateurs, et les faire tourner vers le marché noir, bien moins cher.
La filière a malheureusement aussi manqué d’équité sociale à ses débuts. Le marché a manqué d’offrir des opportunités aux personnes de couleur, ou à celles qui ont souffert de la guerre contre la drogue de s’impliquer de manière appropriée dans l’industrie. Ce n’est que des années après la légalisation officielle que des fermiers noirs ont pu intégrer le marché, en obtenant une légalisation de culture. Enfin, un coup de pouce de l’État aurait été idéal pour fournir des capitaux et des opportunités aux entrepreneurs, essayant de se lancer dans l’industrie.
Besoin d’un meilleur contrôle du marché
Le constat des 10 dernières années amène également les acteurs du cannabis à demander un contrôle plus drastique de l’État. Lors du boom des ventes pendant la période de Covid-19, les producteurs ont augmenté leur production, et beaucoup de nouveaux cultivateurs, transformateurs et vendeurs sont apparus sur le marché. Malheureusement, par manque de régulation, quand le marché s’est affaibli, beaucoup de ces acteurs ont dû fermer boutique.
Il est donc important d’imposer des limites sur le marché. Un contrôle peut se faire à travers la délivrance de licences. Les acteurs du cannabis sont tous d’accord pour décréter un moratoire sur les licences sur les nouveaux permis, avec pour objectif ultime d’éradiquer complètement les opérateurs illicites. Un contrôle plus drastique des licences limiterait la surproduction, et les invendus seraient moins susceptibles de se retrouver sur le marché noir. Car pendant les périodes où la demande a été moindre, beaucoup de cultivateurs ont préférés vendre au marché noir pour très peu, voire pas de bénéfices, que de perdre de l’argent en jetant ou brûlant le cannabis en trop.
Les acteurs du cannabis du Colorado ont également mis en exergue l’importance d’une régulation des productions. Vu que l’industrie du cannabis a apporté des milliards de dollars de recette fiscale, des dizaines de milliers d’emplois et des centaines d’entreprises, l’État devrait plus investir dans une étude de marché pour les acteurs.
Quel avenir pour l’industrie du cannabis ?
La commémoration des 10 ans de la légalisation du cannabis récréatif au Colorado a été l’occasion de discuter de l’avenir de l’industrie. Plus tôt ce mois-ci, plusieurs responsables actuels et anciens du Colorado ont rejoint Vicente Sederberg et sa filiale de conseil, VS Strategies, au History Colorado Center, pour commémorer l’évènement. Le gouverneur Jared Polis a prononcé un discours d’ouverture, mettant l’accent sur la situation avant-gardiste du Colorado et du cannabis.
Le sénateur américain John Hickenlooper et le maire de Denver Michael Hancock, qui se sont tous deux opposés à l’amendement 64 en 2012, ont discuté de l’évolution de leurs positions. Ils ont reconnu que leurs préoccupations ne se sont jamais matérialisées. Ils ont exprimé leur soutien au cannabis légal dans le Colorado. Ils ont même vanté le système de réglementation responsable de l’État, et son rôle de leader national et mondial en matière de politique sur le cannabis.
Même si le marché du cannabis du Colorado traverse actuellement une mauvaise passe, les officiels se veulent rassurants. Le marché est prometteur, et l’État assure toujours donner son appui aux acteurs de la marijuana du Colorado. Avec les résultats prometteurs de la marijuana médicale, l’avenir de l’industrie du cannabis au Colorado, et dans tous les États-Unis en général, est encourageant.