Plusieurs pays ont choisi de légaliser le cannabis thérapeutique et/ou récréatif. Un choix insensé pour certains, audacieux pour d’autres. Mais le débat qui fait rage en ce moment, c’est aussi la forme de légalisation. D’après les experts, le cannabis doit être légalisé. Et bien qu’il soit permis de le consommer, il ne faut pas perdre de vue le côté sombre du produit. Pesons le pour et le contre la légalisation dans cet article.
Légaliser, réguler et réduire le trafic de cannabis
Contrairement à ce que l’on peut penser, la légalisation du cannabis est un moyen de réguler la production, la qualité et la distribution du produit. Selon les chercheurs, cette régulation permettra à terme de réduire le trafic, et par conséquent la délinquance associée au marché parallèle. Mais pour que cela fonctionne, la légalisation doit s’effectuer avec des mesures d’accompagnement pour les familles qui vivent du trafic. En effet, ces dernières ne doivent pas être négligées ni laissées pour compte.
Dans les pays qui ont légalisé le cannabis comme la Suisse, un des arguments principaux de la régulation est qu’elle permet une meilleure gestion des problématiques de santé publique et de sécurité publique. Mais les experts soulignent que les autorités doivent mettre cela en place de manière adéquate. Ils sont d’avis que la légalisation ne doit pas être une question de business ni de promotion du cannabis. Cela n’aurait aucune justification en termes de santé publique ni de sécurité publique. Le même schéma est ancré dans l’esprit des autorités françaises. Pour l’heure, parler du cannabis sous un jour positif relève de l’interdit.
Dépénaliser l’usage du cannabis pour mieux soigner
Si l’on reste en Suisse, un collectif d’experts, composé notamment de juristes et de médecins, suggère un contrôle du cannabis et une évaluation des risques par rapport aux produits. Ils voudraient mettre en place un contrôle qui se rapproche de celui sur l’alcool et le tabac, c’est-à-dire interdire aux mineurs. Quant à ceux qui se procurent de la marijuana en provenance de sources illégales, ils devraient bénéficier de mesures de protection à la place des mesures répressives. Un modèle à suivre.
En France, il n’est pas encore question de légaliser. Certains proposent une dépénalisation de l’usage comme le voudraient les Suisses. Plus de peine d’emprisonnement, mais des sanctions administratives telles qu’une amende et l’interdiction de se rendre à certains endroits. L’Espagne et le Portugal, pionniers de la légalisation en Europe, sont les premiers à avoir mis ce cadre en place. Dans ces pays, cela a permis de réduire le nombre d’incarcérations et d’augmenter l’accès aux soins pour les usagers. Seule ombre au tableau, on ne peut affirmer si cela a un impact quelconque sur le trafic.
Le cannabis est moins dangereux que certaines drogues légales
Selon une idée reçue, le cannabis serait une substance dangereuse. Les recherches affirment pourtant qu’il l’est moins que peuvent l’être l’alcool et le tabac, qui sont légaux.
Anecdote: une équipe de chercheurs de l’Université du Colorado ont analysé les effets de l’alcool et de la marijuana sur le cerveau. Après analogie, il s’avère que l’alcool cause plus de dégâts sur la santé cérébrale que le cannabis.
D’après un classement des drogues par dangerosité dans une revue médicale suisse, l’alcool se trouve en haut de la liste, suivi de l’héroïne et de la cocaïne crack. Le tabac arrive en 6ème position, et le cannabis 8ème.
La légalisation n’augmente pas la consommation
Aux Etats Unis, les états suivants ont légalisé la marijuana: Maine, Nevada, Californie, Oregon, Washington, Massachusetts, Alaska, Vermont, Colorado. 30 autres états ont choisi la dépénalisation. Là où c’est légal, la consommation de cannabis chez les jeunes n’a étrangement pas augmenté. Au contraire, la légalisation n’a eu que du positif. Un bon nombre de patients ont pu bénéficier de meilleurs soins grâce à des modes de consommation à moindre risque. On peut citer par exemple la vaporisation.
Tout n’est pas psychoactif dans le cannabis
Il faut savoir que dans le cannabis, il n’y a pas que des agents psychotropes. En effet, il contient du tétrahydrocannabinol ou THC, qui possède des propriétés psychoactives. Mais à côté, la plante possède plus d’une centaine d’autres composés chimiques, dont le cannabidiol ou CBD. Ces deux molécules sont actuellement les plus étudiées dans les recherches. Contrairement à son homologue, le CBD n’est pas psychotrope et ne fait planer. Sa présence aurait même tendance à atténuer les effets psychoactifs du THC. En effet, il fonctionne comme un antagoniste sur les récepteurs CB1 qui ont une affinité particulière avec le THC. Il s’avère que le cannabis vendu dans le trafic peut contenir une concentration plus élevée de THC que lorsqu’il est issu directement de la plante. D’autres agents psychoactifs peuvent aussi être présents, et potentiellement conduire vers une dépendance, des troubles liés à l’usage et d’autres effets plus graves. Evidemment, les jeunes sont les plus à risque. Encore une fois, la légalisation du cannabis serait un moyen efficace de contrôler l’accès et la qualité du produit. D’un point de vue thérapeutique, ce serait une aubaine. Pour le côté récréatif, ça permettrait de diminuer les risques.
Qui des propriétés thérapeutiques
La marijuana est associée à des vertus thérapeutiques, qui restent encore méconnues à ce jour. En effet, le cannabis médical est utilisé comme anti-vomitif, anti-douleur, anti-inflammatoire et stimulateur d’appétit. Il aide les personnes malades du cancer à mieux supporter la chimiothérapie et ses effets secondaires. D’autres symptômes sont aussi soulagés lorsqu’il est administré aux patients sujets aux douleurs neuropathiques et à la sclérose en plaque.
Par ailleurs, il semblerait que les effets calmants et apaisants du CBD permettent aussi de mieux supporter la douleur et de contrôler les crises épileptiques. Ces effets sont remarqués chez les patients qui ne répondent plus aux traitements médicaux. Selon les scientifiques, les composés du cannabis pourraient également agir sur les cellules cancéreuses. Mais au jour d’aujourd’hui, les recherches sur le sujet sont encore en plein avancement. Aucune de ces théories n’est donc irréfutable, jusqu’à preuve du contraire.
Illégal mais largement consommé en France
A priori, la légalisation du cannabis permettrait de mieux soigner. Mais il ne faut pas oublier la réalité troublante qui se dissimule derrière les bienfaits de la plante. La loi de 1970 qui fait la distinction entre les stupéfiants illicites et licites, confirme que le cannabis est nocif. Par conséquent, il reste illégal. Mais les Français, tout particulièrement les jeunes, manifestent pourtant un intérêt grandissant pour l’interdit. L’OFDT dénombre environ 5 millions de consommateurs annuels, dont 1,6 millions de consommateurs réguliers, et 600 000 usagers quotidiens. La France s’élève donc facilement au rang du premier plus grand consommateur de cannabis en Europe.
Le THC rend addict
Le THC du cannabis peut rendre les usagers dépendants. En effet, une consommation régulière et prolongée multiplie les risques de dépendance physique et psychologique. Certains usagers développent une bonne tolérance au produit, mais cela ne le rend pas moins nocif. De plus, les taux de THC dans les produits au marché noir ont été considérabelement multipliés, d’un facteur de 3 à 8 en trois décennies. Aujourd’hui, nous avons à faire à des produits presque trois fois plus nocifs qu’il y a 30 ans.
Pire, les premières expérimentations du cannabis ont lieu généralement pendant les dernières années collège. Or, l’essayer trop tôt, c’est l’adopter et se détruire lentement de l’intérieur. 20% de ces premières expériences se soldent par une dépendance. Malheureusement, aucun traitement connu ne peut aider les personnes addict à cette drogue à s’en détacher.
Le cannabis est une drogue lente
Autre fait important à souligner, notre organisme met beaucoup de temps à éliminer le THC. Le cannabis est souvent classifié comme une drogue douce, mais sa capacité à se stocker durablement dans le système lui vaut la classification de drogue lente. Sachez que les effets d’un joint durent huit jours sur le cerveau. Plusieurs joints durent donc plusieurs mois.
Gare aux mauvaises associations
Cannabis et alcool ne font pas bon ménage. Mais il est compliqué de persuader les usagers d’éviter l’association des deux. La rencontre des ces substances au volant multiplie le risque d’accidents mortels de la route par 14. Dans l’hexagone, le tabac seul est déjà responsable de 78 000 décès chaque année. L’associer au THC est encore moins une bonne idée car il accroît d’autant sa toxicité. Même fumé seul, le cannabis est aussi nocif que le tabac. La fumée qu’il produit affecte les voies respiratoires avec 8 fois plus d’agents cancérigènes.
En conclusion, le cannabis a du bon, mais aussi du mauvais. Un mauvais usage, une expérience trop précoce, une qualité peu fiable du produit ou une mauvaise association avec d’autres drogues, sont autant de facteurs pouvant pousser à la dérive. La légalisation permet d’instaurer un cadre et de mieux contrôler les impacts sur la santé de l’usager, ainsi que les impacts socio-économiques. Réguler permet d’accompagner les consommateurs dans un usage responsable et à moindre risque du cannabis. Mais la légalisation en France, ce n’est pas demain la veille. Aux dernières nouvelles, la proposition de loi pour la fiscalisation, et de fait, pour la légalisation du cannabis, a été rejetée au Sénat.