Le Cese considère que la politique de répression menée jusqu’à présent pour combattre l’usage de cannabis a échoué et recommande d’autoriser la vente aux adultes avec des limites appropriées. Les réactions des médecins sont mitigées.
Echec cuisant de la politique de répression de l’utilisation du cannabis
La fin de l’amende pour possession de cannabis se profile à l’horizon, selon les déclarations du Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui soutient une « légalisation encadrée ». Cette position résulte des travaux menés pendant un an par une commission temporaire reportée par Jean-François Naton, conseiller confédéral CGT, qui a souligné l’échec de la politique de répression de l’utilisation du cannabis menée depuis plusieurs décennies.
Études et entretiens menés par la commission temporaire
La commission temporaire effectuée par Jean-François Naton a mené des études et des entretiens avec différentes personnes, y compris sur le terrain, notamment dans le sud de la France, pour arriver à la recommandation de légalisation interdite du cannabis. Leur objectif principal est de guider la politique en fonction des objectifs de santé publique, tout en affaiblissant et asséchant le plus possible le trafic illégal, bien que l’on sache que cela ne suffira pas à le supprimer complètement.
Mise en place de commerces légaux de cannabis avec des limites appropriées
Le Cese a constaté que près de la moitié des adultes en France ont consommé de la marijuana au cours de leur vie, ce qui est plus élevé que la moyenne de l’Union Européenne. Pour traiter cela, ils ont recommandé la mise en place de commerces légaux, sous réserve d’obtenir une licence et de suivre une formation obligatoire pour la prévention et la réduction des risques. Les ventes seraient interdites aux mineurs et toute forme de publicité ou de promotion serait interdite, similaire à la loi Evin sur le tabac.
Objectif principal : guider la politique en fonction des objectifs de santé publique
Appui de Amine Benyamina, chef du service d’addictologie à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif
Le chef du service d’addictologie à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, Amine Benyamina, a approuvé la recommandation de légalisation du cannabis. Il la considère comme une stratégie pragmatique qui minimise les risques pour la santé publique, sans pour autant encourager une consommation excessive. Il ajoute que jusqu’à présent, les trafiquants ont toujours eu le dessus et la répression n’est pas efficace.
Critiques de Jean-Claude Alvarez, chef de service toxicologique à l’hôpital de Garches
Son confrère, le chef de service toxicologique à l’hôpital de Garches, Jean-Claude Alvarez, ne partage pas cet avis et ne comprend pas pourquoi légaliser une drogue juste parce qu’il est impossible de l’interdire. Il critique l’hypocrisie de penser que les gens ne consomment de la marijuana qu’à partir de 18 ans car la vente sera interdite aux mineurs et que le marché illégal va disparaître en légalisant la vente. Il préconise davantage d’éducation à travers des clips télévisés.
Les recommandations du Cese
Le Cese précise qu’il ne prône pas une consommation excessive, mais plutôt une légalisation interdite qui doit être accompagnée d’une politique d’éducation, de prévention et de lutte contre tous les trafics.
Interdiction de vente aux mineurs et de toute forme de publicité ou de promotion
L’accent est mis sur la protection des mineurs en mettant en place des politiques d’accompagnement et de prise en charge des usages problématiques et en interdisant la vente ou la promotion de la consommation de cannabis à leur intention.
Agriculture bio, auto-culture et cannabis social clubs
Le Cese recommande également la création d’un institut national du cannabis sous l’égide de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives pour développer la recherche fondamentale et diffuser une information claire, objective et accessible sur le cannabis.
Il préconise également de rendre l’agriculture biologique la norme de production , d’autoriser l’auto-culture et les Cannabis Social Clubs, en les encadrant.
Les réactions des médecins
Le Cese, une instance consultative, recommande la légalisation. Cette recommandation a été approuvée par tous les membres du Cese, mais le gouvernement n’est pas tenu de la suivre. Les positions d’Emmanuel Macron sur la légalisation du cannabis ont changé. Il était favorable en 2016 mais pas en 2020, et le ministre de la Santé est contre en raison des risques pour la santé.
Rappelant que « le Cese n’a pas beaucoup de pouvoir », Amine Benyamina a du mal à croire à une légalisation prochaine du cannabis.
« Je suis comme tout le monde, quand je vois les images de saisies de cannabis par le ministère de l’Intérieur, je constate que la politique répressive a le vent en poupe. », regrette l’addictologue.
« Légaliser ne se ferait pas en trois ou six mois. Et si on ne sait pas faire de la prévention, ça ne sert à rien de légaliser. Il faut avant tout passer d’un modèle de lutter contre à prévenir. », estime pour sa part le Pr Nicolas Authier, psychiatre spécialisé en pharmacologie et addictologie au CHU de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).
Plusieurs pays, comme le Canada et l’Uruguay, ont légalisé la consommation de cannabis récréatif. En Europe, Malte est le premier pays à l’avoir fait, l’Allemagne devrait suivre en 2024. En France, seul un test sur l’utilisation médicale du cannabis a repris en mars 2021 pour évaluer son utilité et son efficacité. Un comité scientifique temporaire a été créé en juin 2021 pour suivre et analyser les modalités de prescription, de délivrance, les données d’efficacité et de sécurité.