La Bruxelles subit actuellement une crise. L’Allemagne a présenté son plan de légalisation complète de la marijuana en octobre 2022 aux adultes (18 ans et plus). Toutefois, les dispositions législatives de l’ensemble du bloc pourraient éventuellement gâcher ce projet allemand. Cela concerne aussi les lois liées au marché unique et à la contrebande. Cet empêchement pourrait se produire à moins que l’Allemagne ne persuade l’Union européenne d’adhérer à son plan. Le désir de l’Allemagne à légaliser le cannabis impose à la Bruxelles de réviser sa position par rapport à la marijuana. Cela pourrait nécessiter un changement législatif au niveau de l’Union européenne.
Position de l’Union européenne quant à la libéralisation de la marijuana
Bien que l’Europe soit connue pour être socialement libérale, elle reste réticente quant à la marijuana psychotrope. Effectivement, le THC est encore prohibé dans la plupart des pays de l’UE. Il y a eu quelques tentatives de légalisation de la marijuana récréative, mais elles sont souvent restreintes au niveau national. De plus, beaucoup d’Etats n’adhèrent même pas à la marijuana médicale, pourtant déjà très populaire à l’échelle internationale. La légalisation menée par la coalition progressiste des feux tricolores actuellement au pouvoir a lancé un véritable défi sur le plan régional. Il s’agit de déterminer la position de l’Union européenne sur l’usage récréatif de la marijuana (comment pourrait-elle s’intégrer dans les lois).
Une tendance réticente par rapport au cannabis récréatif
Pour le moment, l’Union européenne limite la plupart des initiatives liées à la marijuana récréative. Elle pénalise de nombreuses activités liées au cannabis depuis la décision du Conseil de 2004 afférente au trafic de drogue. Cependant, cette loi n’est pas applicable à la marijuana médicale. Plusieurs pays européens ont profité de ce privilège médical. Concrètement, 16 États de l’Union européenne autorisent actuellement l’usage de la substance psychotrope à titre thérapeutique.
Une minorité de pays tels que les Pays-Bas et le Portugal sont allés plus loin en légalisant l’usage récréatif de la marijuana. D’autres pays comme le Luxembourg et Malte ont récemment mis en place des politiques visant à légaliser la consommation récréative personnelle. Malheureusement, ils ne sont pas parvenus à mettre en place un marché récréatif légal comme l’espérait l’Allemagne. Quant aux Pays-Bas, ils sont réputés pour l’usage récréatif du cannabis et admettent l’achat de marijuana dans les cafés agréés. Ceci dit, on y interdit encore la culture et la revente. Voilà pourquoi la situation néerlandaise est conforme à la loi européenne. Toutefois, la production non réglementée de la marijuana a favorisé le marché noir aux Pays-Bas.
Une probabilité de rejet du projet de légalisation du cannabis par la Commission européenne
Sachez que le projet de l’Allemagne est déjà en train d’être évalué par la Commission européenne. Karl Lauterbach pense que si celle-ci désapprouve le projet, l’Allemagne ne pourra pas élaborer son projet de loi. Ce ministre a déposé la feuille de route de Berlin pour la légalisation de la marijuana le 26 octobre dernier. Vous comprendrez que cette légalisation ne sera pas possible si le projet de loi n’est pas validé.
Cette déclaration du ministre suggère la probabilité que Berlin ne réalise finalement pas son objectif de rendre la marijuana légale. Or, le plan avait prévu de contrôler la vente de la marijuana (magasins agréés) et de restreindre l’usage personnel jusqu’à 30 grammes. Le public attend donc de savoir si Bruxelles va soutenir le projet allemand et favoriser la légalisation de la marijuana au niveau régional (UE). Dans le cas contraire, les projets de Berlin risqueraient de partir en fumée.
Pourquoi la marijuana suscite-t-elle autant l’intérêt de l’Union européenne ?
Actuellement, le bloc européen est confronté à la tendance internationale de la libéralisation. Ces dix dernières années, de nombreux pays à travers le monde ont légalisé la marijuana médicale et récréative. On peut citer la Thaïlande, l’Afrique du Sud, le Canada et le Mexique, pour n’en citer que quelques-uns. Mais Berlin souhaite légaliser l’ensemble de la chaîne de valeur de production de la marijuana. On parle entre autres de sa culture, de son raffinement et de son commerce. Ce projet est tout de même ambitieux par rapport à la situation aux Pays-Bas où uniquement la vente est admise. Pourtant, nous savons qu’il s’agit du pays européen le plus favorable à la marijuana. Puisque Berlin veut veiller à la conformité de ses projets de légalisation au droit communautaire, Bruxelles devrait réagir.
Actuellement, la Commission européenne et l’Allemagne procèdent aux discussions préliminaires et aux échanges d’arguments. Ce n’est qu’en 2023 que la procédure de notification officielle sera enclenchée. Celle-ci constitue un moyen pour les États de garantir la conformité de la légalisation au droit européen. Ensuite, la Commission pourra communiquer publiquement le plan allemand en faveur de la légalisation réglementée de la marijuana récréative. Cette communication à l’issue de la procédure de notification est censée trancher si l’UE envisage d’autoriser le cannabis récréatif dans le futur. Elle devrait apporter une précision concernant sa taxation et sa réglementation.
Quelle est l’implication de Bruxelles dans cette affaire ?
Vu l’illégalité de la culture du cannabis dans l’UE, le projet de légalisation du cannabis en Allemagne nécessiterait une modification de la législation régionale. Le gouvernement allemand s’est déjà engagé à apporter des changements en tenant compte de la politique au niveau de l’Union européenne. Mais l’alignement de Bruxelles à la cause allemande est nécessaire pour favoriser la légalisation du cannabis au niveau régional.
Elle doit notamment trouver un équilibre entre les nombreux objectifs à l’échelle régionale. Elle devrait aussi contribuer au maintien de l’intégrité du marché unique et favoriser l’avenir politique européen en matière de drogues. Cela, tout en respectant les intérêts des pays limitrophes et en protégeant l’État de droit.
Plusieurs États ont déjà anticipé que le trafic de drogue peut devenir un problème majeur. L’accord de Schengen de 1985 a aboli les frontières nationales, ce qui a changé certaines choses. Ses signataires, y compris l’Allemagne, sont tenus d’interdire l’exportation illicite de stupéfiants incluant les produits à base de marijuana. Rappelons que cet accord de Schengen engage aussi neuf voisins de l’Allemagne. Aucun membre de l’UE n’a jamais établi un marché pour une substance qui était auparavant interdite dans l’espace Schengen. L’initiative allemande est une première au niveau régional. Quoi qu’il en soit, les pays frontaliers seront particulièrement attentifs à la position de la Commission sur cette affaire. La situation pourrait favoriser l’affrontement entre ceux qui sont pour cette légalisation et ceux qui y sont contre. On parle d’une confrontation entre libéralistes et prohibitionnistes.
Quel est l’enjeu en termes de santé ?
L’UE aurait constaté que la légalisation de la marijuana présentait des risques pour la santé. En 2020, le cannabis était la première cause d’entrée en traitement spécialisé contre la drogue en Europe. En chiffres, la marijuana était responsable de 45 % des hospitalisations en matière de drogue impliquant 43 000 personnes. C’est ce qu’a révélé le dernier rapport européen sur les drogues. Ce même rapport avait émis une prévision selon laquelle 22 millions d’Européens consommeraient du cannabis en 2021.
En outre, les conclusions outre-Atlantique suggèrent que la légalisation favorise la consommation. Les jeunes adultes auraient tendance à consommer des produits à base de marijuana plus puissants après la légalisation en Amérique du Nord. C’est ce que suggère le rapport mondial (2022) sur les drogues des Nations Unies.
À l’heure où l’on parle, la santé publique est au cœur de la politique antidrogue de l’Union européenne. C’est un point auquel Berlin devrait particulièrement s’intéresser hormis les questions juridiques et réglementaires. Selon le ministère allemand de la Santé, la consommation de marijuana n’est pas problématique pour les adultes tant qu’elle reste occasionnelle. Les principaux risques proviennent du manque de protection des enfants, de la marijuana non réglementée et de sa mauvaise qualité. Berlin compte tenir compte de ces risques, et espère les réduire grâce à la légalisation. En outre, l’Allemagne devrait prochainement finaliser son évaluation sur l’impact de la consommation de marijuana dans les pays où elle est légale.
Un effet domino en perspective, en cas de réussite de la légalisation de la marijuana
L’Allemagne pourrait concrétiser la légalisation et influencer d’autres pays européens à supposer que la commission valide son plan. En effet, le parti finlandais de la Ligue verte a l’intention d’utiliser l’expérience de l’Allemagne pour concevoir sa politique de drogue. On peut l’interpréter comme une chute de dominos, selon Lewis Koski qui suit de près le débat à Berlin et à Bruxelles. Celui-ci est le directeur d’une firme de distributrice de logiciels de suivi et de traçabilité du cannabis. Les pays européens pourraient donc rejoindre le mouvement les uns après les autres comme une rangée de dominos qui s’effondre. Selon lui, si la Commission rejette la libéralisation du cannabis, les débats motiveront l’UE à réfléchir aux changements nécessaires pour l’autoriser.
Bref, la libéralisation effective de la marijuana aux enjeux politiques, juridiques, législatifs et sanitaires dépend de l’approbation de la Commission européenne. Le projet de Berlin prévoit d’accompagner cette légalisation de mesures limitatives de l’usage personnel et de contrôle en matière de vente. Si Bruxelles soutient le projet allemand, il va favoriser la légalisation de la marijuana au niveau de l’UE. Cela aura probablement un effet domino et influencera d’autres pays européens à suivre le mouvement. Dans le cas contraire, le projet allemand risque de partir en fumée.
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