La semaine dernière, l’Organe international de contrôle des stupéfiants des Nations unies a exprimé sa préoccupation concernant la tendance à la légalisation de l’utilisation récréative du cannabis, considérant que cela violait la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, selon un communiqué de presse publié par l’organisme international.
Rapport annuel 2022 de l’Organe international de contrôle des stupéfiants : points clés sur la légalisation du cannabis
Dans son rapport annuel 2022, l’Organe international de contrôle des stupéfiants a mis en avant les éléments suivants, également évoqués dans le communiqué de presse de la semaine dernière :
- La Convention unique sur les stupéfiants de 1961 considère le cannabis comme hautement addictif et susceptible d’abus, et toute utilisation non médicale ou non scientifique de cette substance va à l’encontre de la Convention.
- La tendance observée chez un petit nombre de gouvernements à légaliser le cannabis pour un usage récréatif est source d’inquiétude, car elle entraîne une augmentation de la consommation, des effets néfastes sur la santé et des troubles psychotiques.
- Mesurer l’impact de la légalisation du cannabis sur la société est difficile en raison de la variabilité des modèles législatifs d’un pays à l’autre et du manque de données.
- De nombreux pays éprouvent des difficultés à se procurer suffisamment de substances réglementées pour les traitements médicaux, y compris dans les situations d’urgence.
- L’Organe international de contrôle des stupéfiants souligne également que les pays confisquent un nombre élevé de produits chimiques non inscrits aux tableaux et de précurseurs de synthèse utilisés dans la fabrication de drogues illicites, et s’inquiète de la propagation de ces substances à l’échelle mondiale.
En plus de ces points, le communiqué de presse fournit divers arguments et points de discussion pour présenter la légalisation du cannabis sous un angle négatif. Cependant, il semble ignorer une partie du contexte réel. Ainsi, voici quelques éléments à prendre en compte.
Convention unique sur les stupéfiants de 1961 : La légalisation du cannabis continue malgré les opposants invoquant l’accord international
Alors que la légalisation du cannabis se poursuit à travers le monde, les opposants continuent d’invoquer la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 pour empêcher les efforts de légalisation. Cependant, la légalisation est déjà en marche. L’Uruguay est devenu le premier pays à adopter une mesure nationale de légalisation en 2013, suivi par le Canada en 2018 et Malte en 2021. L’Allemagne devrait bientôt suivre, entraînant probablement d’autres pays à faire de même.
En conséquence, l’accord de 1961 devient de plus en plus symbolique. Si l’Allemagne adopte une mesure de légalisation de l’usage adulte et lance des ventes réglementées, la pertinence de l’accord de 1961 sera encore remise en question. En fin de compte, la légalisation se poursuivra indépendamment de l’existence de l’accord, et les efforts de relations publiques des Nations unies ne pourront pas empêcher cette tendance.
Des taux de consommation plus élevés : Démystifier l’argument des anti-cannabis
Les anti-cannabis avancent souvent l’argument selon lequel les taux de consommation augmentent dans les pays où le cannabis est légalisé. Cependant, cet argument est trompeur, car les taux de consommation de marijuana augmentent également dans les pays où le cannabis est illégal. Par exemple, le Japon affiche des taux de consommation croissants, mais il n’a pas encore légalisé le cannabis.
En Europe, les pays ayant les taux de consommation de marijuana les plus élevés ne sont pas ceux qui ont adopté des mesures de légalisation. Selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, pour les jeunes adultes âgés de 15 à 34 ans, la Tchécoslovaquie a le taux de consommation le plus élevé (22,9 %), suivi de la France (21,8 %), de l’Italie (20,9 %) et de la Croatie (20,3 %).
Malte est le seul pays européen ayant adopté une mesure de légalisation de l’usage du cannabis à l’âge adulte, et bien qu’il soit encore tôt dans le processus de mise en œuvre, les statistiques montrent que seulement 4,3 % des personnes âgées de 18 à 65 ans ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours de leur vie. Bien que cet accès accru au cannabis puisse potentiellement entraîner une augmentation de la consommation à Malte, même si le taux de consommation doublait, il resterait inférieur à 10 %. Il est également important de noter que la consommation accrue de marijuana en soi n’est pas nécessairement une mauvaise chose.
Les risques liés aux intrants dans un marché non réglementé
Le communiqué de presse qui a inspiré cet article mentionne que de nombreux pays confisquent régulièrement des produits chimiques non inscrits aux tableaux et des précurseurs de synthèse utilisés dans la fabrication de drogues illicites, ce qui suscite des inquiétudes quant à leur propagation mondiale. Cette situation ne renforce-t-elle pas l’argument en faveur de la légalisation du cannabis ?
Dans un marché non réglementé, les producteurs, les transporteurs et les vendeurs peuvent ajouter n’importe quoi au cannabis sans être inquiétés, notamment des pesticides, des herbicides, des nutriments dangereux et des « produits chimiques non inscrits aux tableaux et des précurseurs de substances de synthèse ». Cela peut passer inaperçu car il n’y a pratiquement aucune règle en place. Bien que tout le cannabis non réglementé ne soit pas nécessairement contaminé, l’absence de tests appropriés rend impossible la détermination de ce qui est « propre » ou pas.
En revanche, dans un marché réglementé, il est interdit d’ajouter certaines substances au cannabis, et les tests en laboratoire et l’examen des sites de production sont obligatoires pour détecter et empêcher l’utilisation de substances nocives. Si l’ONU est réellement préoccupée par la contamination du cannabis, elle devrait promouvoir les efforts de réforme réglementaire plutôt que d’essayer de bloquer la légalisation du cannabis avec une propagande anti-cannabis.