Le mouvement en faveur de la légalisation du cannabis en Australie a subi un revers significatif suite à la décision du comité législatif des affaires juridiques et constitutionnelles du Sénat. Ce dernier a conseillé le rejet du projet de loi Legalising Cannabis Bill 2023, présenté par le sénateur écologiste David Shoebridge.
Ce projet de loi visait à autoriser la culture personnelle, à réglementer les ventes et à permettre des espaces de consommation de cannabis, mais a finalement été jugé trop risqué par la commission.
Les Inquiétudes Sanitaires en Première Ligne
Le principal argument avancé contre la légalisation est le risque potentiel pour la santé publique. Le vice-président du comité, Paul Scarr, a mis en avant les « grands risques liés à l’introduction d’un marché légal pour la consommation récréative de cannabis ».
Les enquêtes montrent que la légalisation pourrait inciter de nombreux Australiens à essayer le cannabis, ce qui pourrait entraîner des « conséquences sanitaires désastreuses ». Ces risques sont particulièrement préoccupants pour les adolescents, un point souligné par l’Association Médicale Australienne (AMA) et d’autres organismes médicaux.
Le comité a également noté que la légalisation pourrait créer autant de problèmes qu’elle n’en résoudrait, notamment en facilitant l’accès pour les enfants et en augmentant la consommation à risque.
La Détermination Inébranlable des Verts
Malgré cette recommandation défavorable, les Verts ne renoncent pas à leur lutte pour la légalisation du cannabis. Le sénateur Shoebridge a exprimé sa déception, mais reste déterminé à poursuivre la réforme.
Il a souligné les avantages potentiels de la légalisation, notamment la création d’emplois, la réduction de la pression sur le système judiciaire, la diminution des revenus pour le crime organisé, le financement des services publics essentiels et l’élargissement des options pour les consommateurs.
Shoebridge prévoit de demander un vote au Sénat et d’encourager les partisans de la légalisation à faire pression sur leurs représentants locaux. Il cite la stratégie nationale antidrogue 2017-26, qui reconnaît que le statut illégal du cannabis a alimenté un marché noir coûteux sur le plan sanitaire et social.
Selon lui, des millions d’Australiens soutiennent cette réforme, souhaitant aligner le pays sur les nombreux autres États et pays qui l’ont déjà légalisé.
Une Consommation Courante Malgré l’Interdiction
Le cannabis demeure la drogue illicite la plus consommée en Australie. Selon la dernière enquête sur les ménages de la National Drug Strategy, plus de 2,5 millions d’Australiens ont en récemment consommé, avec 11,7 % des personnes âgées de 14 ans et plus déclarant en avoir utilisé au cours des 12 derniers mois. Ce taux est encore plus élevé parmi les jeunes aborigènes et insulaires du détroit de Torres, atteignant 16 %.
Un Cannabis Médical Déjà Légal
Bien que le cannabis récréatif soit interdit, le cannabis médical est légal en Australie depuis 2016. Environ 700 000 personnes ont déclaré l’avoir utilisé à des fins médicales l’année dernière. Les sanctions pour l’usage récréatif varient selon les États et les territoires, avec le Territoire de la Capitale ayant légalisé le cannabis en 2019, tandis que d’autres régions oscillent entre dépénalisation et interdiction stricte.
Un Changement de Politique en Jeu
L’adoption du projet de loi des Verts pourrait représenter une transformation majeure de la politique nationale en matière de cannabis.
Shoebridge estime que cette réforme permettrait à environ 80 000 Australiens d’échapper au système de justice pénale, et que l’approche actuelle, influencée par des opinions politiques désuètes et des intérêts corporatistes, ne reflète pas l’opinion publique.
Pour lui, la consommation de cannabis devrait être considérée comme un problème de santé publique plutôt que comme une infraction criminelle.
Une Évolution Nécessaire pour l’Australie ?
Le débat sur la légalisation du cannabis en Australie illustre un conflit entre les préoccupations sanitaires et les aspirations à une réforme sociale. Alors que le comité sénatorial met en garde contre les risques, les partisans de la légalisation soulignent les bénéfices économiques et sociaux possibles.
Ce débat continuera probablement à diviser l’opinion publique et politique en Australie, mais la détermination des Verts à poursuivre leur campagne pourrait bien influencer les futurs développements législatifs. En fin de compte, la question demeure : l’Australie est-elle prête à suivre les traces d’autres pays et États ayant déjà adopté la légalisation du cannabis ?