L’Uruguay est devenu le premier pays au monde à légaliser le cannabis pour adultes en 2013, marquant ainsi un moment historique dans l’histoire de la politique des drogues. Quatre ans après cette décision courageuse, en 2017, le pays a ouvert les ventes de cannabis aux consommateurs adultes. Pour célébrer le sixième anniversaire du début des ventes de cannabis légal, l’Institut de régulation et de contrôle du cannabis (IRCCA), l’organe de régulation du cannabis en Uruguay, a publié récemment des données sur les ventes de cannabis dans les pharmacies du pays.
Un modèle de légalisation unique en Uruguay
L’Uruguay a adopté une approche novatrice et audacieuse en matière de légalisation du cannabis pour adultes. Contrairement à d’autres pays qui ont choisi des modèles de vente exclusivement via des dispensaires spécialisés, l’Uruguay a opté pour un système plus ouvert et inclusif. Le modèle uruguayen offre aux consommateurs trois options distinctes pour accéder au cannabis légal : l’achat en pharmacie, l’adhésion à un Cannabis Club ou la culture personnelle à domicile.
Vente en pharmacie
L’une des pierres angulaires du modèle de légalisation uruguayen est la vente réglementée de cannabis dans les pharmacies du pays. Cette approche permet aux consommateurs de se procurer du cannabis légal de manière similaire à l’achat de médicaments sur ordonnance. Les pharmacies autorisées par le gouvernement sont les seuls points de vente légaux de cannabis pour adultes. Cette approche permet de contrôler la distribution et la qualité du cannabis vendu, tout en offrant un accès pratique aux consommateurs.
Pour garantir une consommation responsable et sécurisée, l’État uruguayen a fixé un prix plafond de 1,30 $ par gramme de cannabis. Cette subvention permet de maintenir les prix bas, satisfaisant ainsi l’attrait du marché noir et des sources illégales. Toutefois, pour bénéficier de ces ventes réglementées en pharmacie, les consommateurs doivent s’inscrire dans une base de données gérée par l’Institut de régulation et de contrôle du cannabis (IRCCA). Cette inscription vise à limiter les achats excessifs et à contrôler le nombre de consommateurs actifs dans le système.
Cannabis Clubs
Outre les ventes en pharmacie, l’Uruguay a introduit une autre approche unique : les Cannabis Clubs. Ces clubs sont des associations à but non lucratif composées de 15 à 45 membres. Ils sont autorisés à cultiver collectivement une quantité limitée de cannabis pour une consommation interne entre les membres. Cette initiative encourage la culture responsable et partagée du cannabis tout en offrant une alternative légale à l’achat en pharmacie.
Les Cannabis Clubs jouent un rôle important dans la diversification de l’offre légale de cannabis en permettant aux consommateurs d’accéder à des variétés spécifiques et de participer à la culture du cannabis dans un cadre coopératif et sécurisé. Cependant, leur taille limitée peut créer une demande supplémentaire pour le cannabis vendu en pharmacie, ce qui peut parfois entraîner des tensions entre les deux options.
Culture personnelle
Enfin, le modèle uruguayen offre aux citoyens la possibilité de cultiver leur propre cannabis à domicile. Chaque personne a le droit de faire pousser jusqu’à six plants de cannabis dans un environnement privé, pour un usage personnel et non commercial. Cette initiative vise à garantir l’autonomie et la liberté des individus en leur permettant de cultiver leurs propres variétés de cannabis.
La culture personnelle offre un moyen supplémentaire de diversifier l’approvisionnement en cannabis pour les consommateurs et réduit leur dépendance aux ventes en pharmacie ou aux Cannabis Clubs. Cependant, le gouvernement veille à ce que les cultivateurs domestiques respectent les limites légales et n’excèdent pas le nombre de plantes autorisées.
Statistiques sur l’inscription et la consommation
Entre le 19 juillet 2017 et le 19 juillet 2023, environ 75 000 résidents de l’Uruguay se sont inscrits au programme gouvernemental sur le cannabis, adoptant ainsi l’une des trois options permises. Parmi eux, 61 509 se sont inscrits pour acheter du cannabis légal, principalement en passant par les pharmacies agréées, tandis que 10 486 ont choisi de rejoindre les quelque 300 Cannabis Clubs du pays. Pendant cette période, les pharmacies uruguayennes ont vendu un total impressionnant de 10 693 210 grammes de cannabis, selon les données de l’IRCCA. Par ailleurs, 14 592 personnes sont enregistrées comme cultivateurs de cannabis à domicile, faisant valoir leur droit de cultiver leur propre cannabis.
Limitations du modèle uruguayen
Bien que la légalisation du cannabis en Uruguay ait été applaudie pour son audace, elle n’a pas été sans défis. Les objections internationales ont été soulevées, notamment par des pays comme la Russie et des organisations telles que les Nations Unies, affirmant que cette décision contrevient à la Convention internationale sur les stupéfiants. L’une des principales limitations du modèle uruguayen réside dans le nombre relativement faible de consommateurs enregistrés. Cela s’explique en partie par le fait que certains résidents préfèrent éviter d’être inscrits dans des bases de données gouvernementales en tant que consommateurs ou cultivateurs de cannabis. De ce fait, de nombreux individus décrivent d’acheter ou de cultiver du cannabis de manière illégale.
Un autre inconvénient du modèle uruguayen est la sélection limitée de variétés de cannabis disponibles sur le marché légal. Actuellement, seules trois variétés sont autorisées, et une quatrième est prévue pour être ajoutée à la fin de l’année 2023. Cela peut restreindre les choix des consommateurs et les pousser à chercher des sources illégales pour obtenir d’autres variétés.
Impact de la légalisation sur la consommation chez les adolescents
Une étude publiée en 2020 dans l’International Journal of Drug Policy a fourni des informations importantes concernant l’impact de la légalisation du cannabis sur les adolescents uruguayens. Selon cette étude, la légalisation n’a pas entraîné d’augmentation de la consommation de cannabis chez les jeunes du pays. En outre, il n’y a eu aucune augmentation de la perception de la disponibilité du cannabis parmi les élèves après la légalisation. Ces résultats semblent indiquer que l’approche réglementaire de l’État uruguayen en matière d’approvisionnement en cannabis a pu réduire l’impact de la légalisation sur la consommation chez les adolescents.
Pour conclure, l’Uruguay a été un pionnier dans la légalisation du cannabis pour adultes et a adopté un modèle unique qui a suscité à la fois l’admiration et les critiques. Malgré quelques inconvénients et défis, le pays a réussi à instaurer un marché légal du cannabis, avec des ventes réglementées en pharmacie, des Cannabis Clubs et des possibilités de culture individuelle. Les chiffres montrent un certain succès, mais la présence persistante d’un marché noir suggère que des ajustements pourraient être nécessaires pour améliorer l’efficacité de la réglementation. Quant à l’impact sur la consommation chez les adolescents, l’étude apporte des données suggérées, mais d’autres recherches sont nécessaires pour une évaluation complète des effets à plus long terme.