Est-ce que le cannabis légal peut gagner ?

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Selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives, 46,1 % des Français âgés de 18 à 64 ans affirment avoir déjà consommé du cannabis. Il reste également la drogue la plus largement consommée à l’échelle mondiale. Les défenseurs de la légalisation de ce dernier souhaitent principalement favoriser le contrôle d’accès à des produits de qualité. Mais aussi d’exploiter plus librement ses propriétés thérapeutiques potentielles. Cependant, la réalité est que la bataille s’annonce rude. En ce qui concerne les pays d’Europe et ailleurs, ils sont encore très peu à avoir dépénalisé le cannabis. De même pour ceux à avoir entamé une procédure afin de légaliser la consommation récréative. 

Mais alors, quel est l’avenir réel du cannabis légal sur le marché mondial ? A-t-il une chance de perdre son statut de « drogue dangereuse » dans les années qui vont suivre ? Faisons un état de lieux de tout ce que nous savons jusque-là.

Une petite histoire sur le cannabis pour commencer 

Bien qu’il se retrouve souvent au centre des débats, le cannabis reste un sujet particulièrement tabou au sein de la société. Mais la tendance est-elle en train de s’inverser à l’heure actuelle ? Seule l’histoire nous le dira. Néanmoins, il s’avère toujours bénéfique de s’intéresser d’un peu plus près au chemin qu’il a déjà fait depuis des siècles pour juger de son évolution au cours de l’histoire. 

Sa première utilisation thérapeutique (documentée) remonterait effectivement à 2700 ans avant notre ère. L’empereur chinois Shen Nung (considéré jusqu’à aujourd’hui comme le père de la médecine traditionnelle chinoise) aurait alors eu recours au cannabis. Ce, pour ses prétendues propriétés curatives face aux maux tels que les rhumatismes et la malaria. Certains textes hindous, assyriens, grecs et romains parlent également de ses vertus quant au traitement de problèmes de santé divers. Ils vont de l’aménorrhée au manque d’appétit, en passant par l’arthrite et l’asthme. Sur le continent américain, le cannabis a été principalement exploité pour ses fibres. Elles étaient réputées résistantes pour la confection de cordes ou de papier. 

Si l’on se penche spécifiquement sur ses usages thérapeutiques, il faut s’intéresser au cas du docteur irlandais William Brooke O’Shaughnessy. Après avoir vécu en Inde, il était le premier à introduire le cannabis dans le monde de la médecine occidentale. En ce temps, ses recherches donnaient des résultats positifs, notamment dans le traitement de la diarrhée et des vomissements. 

Le cannabis au XXe et XXIe siècle

Au cours du XXe siècle, différents hommes politiques mènent toutefois un combat sans merci pour stopper la consommation de cannabis qui est alors associée à des comportements violents et criminels. On se rappelle surtout du lobby anti-cannabis de Richard Nixon aux États-Unis. Le mouvement « War on Drugs » (guerre contre les drogues) a surtout fait forte sensation lorsque Richard Nixon a déclaré en juin 1971 la toxicomanie en tant qu’« ennemi public numéro un ». Appuyé par la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 (avec 183 pays signataires en 2015), le classement du cannabis dans la catégorie des substances illicites psychoactives s’est progressivement démocratisé. 

Cependant, les choses prennent un nouveau tournant dans les années 70 lorsque différentes associations médicales présentent le résultat de leurs recherches en affirmant que le cannabis n’entraîne ni violence, ni l’usage de drogues plus fortes. Son utilisation à des fins médicales est de mieux en mieux tolérée. La Californie est le premier état à légaliser cela en 1996. Plus tard, dans les années 2010, différents pays autoriseront consécutivement l’usage de marijuana à titre récréatif.  

Photo de feuille cannabis

La place du cannabis dans le monde d’aujourd’hui

Le cannabis profite d’un statut différent dans le monde. 

  • En 2013, l’Uruguay fait la une en devenant le premier pays à concrétiser la légalisation du cannabis sur son territoire. Cette dépénalisation concerne la vente en pharmacie, la culture pour usage personnel et l’appartenance à un club social de cannabis. 
  • Le Canada a suivi le mouvement en 2018 avec une réforme sur la législation autour du cannabis récréatif. 
  • Depuis 2019, plusieurs États américains ont aboli la prohibition du cannabis au profit d’un usage thérapeutique et/ou un usage récréatif. 

De l’autre part, on observe également un assouplissement notable de la législation sur ce dernier dans certains pays d’Europe. Les coffee-shops des Pays-Bas peuvent notamment vendre du cannabis à leurs clients, mais à condition de respecter le seuil de 5 g par personne. L’Allemagne, en revanche, opte pour la dépénalisation du cannabis dans un cadre thérapeutique. Dans d’autres pays comme le Portugal, l’Italie, la Tchéquie ou encore la Suisse, la consommation et la possession de cannabis n’engendrent pas de poursuites à condition de respecter la dose maximale autorisée. D’autres encore, comme l’Espagne, tolèrent son usage dans un espace privé, hors des places publiques.  

Le cas de la France 

En ce qui concerne la France, le chemin à parcourir semble encore long. En effet, le cannabis jouit encore du statut de « substance illicite ». Selon l’article L3421-1 du Code de la santé publique, son usage est passable d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 €. En cas de vente, de cession, d’offre ou de transport d’un produit illicite, cette peine est portée à dix ans d’emprisonnement et à 7 500 000 € conformément aux dispositions de l’article 222-37 du Code pénal

On ne peut toutefois pas ignorer la petite victoire remportée par l’industrie du chanvre. En effet, la loi autorise désormais la commercialisation de produits au cannabidiol (la substance non psychotrope du cannabis), mais retient le taux maximal de THC autorisé à 0,3 %. On a même assisté à la suspension de l’article R5132-86 du Code de la santé publique le 24 janvier 2022 par rapport à l’interdiction portée sur les feuilles et fleurs de cannabis.

La légalisation du cannabis au centre des débats

Diverses organisations de la société civile et d’autres défenseurs de la légalisation du cannabis ne cessent de prôner les avantages que cet acte peut engendrer depuis quelques années déjà. En effet, la dépénalisation peut donner lieu à de nombreux bénéfices. Et ce, que ce soit d’un point de vue sécuritaire et économique. 

  • En tête de liste, on retrouve le contrôle de la qualité des produits mis en vente. La légalisation sera ainsi le premier pas permettant de maitriser le rapport entre THC et CBD. De quoi minimiser les risques de complications ou de développement d’effets secondaires et indésirables.
  • Ensuite, l’atout financier de cette démarche reste aussi particulièrement notable. Non seulement cela mettra fin aux dépenses pharaoniques liées à une politique répressive qui s’avère portant inefficace. (Avec 568 millions d’euros investis chaque année.) Mais en plus, l’État pourrait gagner jusqu’à deux milliards d’euros de recettes fiscales.
  • Mieux encore, ce serait un moyen idéal de désengorger les tribunaux. Pour cause, la grande majorité des arrestations et condamnations liées aux drogues concernent le cannabis. 
  • Bien entendu, la dépénalisation du cannabis constitue aussi une opportunité d’élargir les recherches quant à ses portées thérapeutiques et médicales.
Photo de cannabis légalisation

Les principaux obstacles à la légalisation du cannabis

Si les arguments en faveur du cannabis légal sont plus que solides, de nombreux pays se montrent encore hésitants par rapport à sa dépénalisation. La France fait partie des plus réfractaires à cet égard. Mais alors, pourquoi le débat semble-t-il stagner depuis des années ? Cela serait principalement dû à la nocivité de cette drogue. La présence du tétrahydrocannabinol (THC) est mise en cause. Après tout, cette substance psychotrope est connue pour induire une dépendance à la fois psychique et physique. De plus, le TCH contenu dans le cannabis est aussi associé avec un état d’ivresse et désinhibition. Le consommateur (sous influence) peut en outre représenter un danger pour lui-même ou pour son entourage.

D’une autre part, de plus en plus de professionnels de santé mettent en garde les consommateurs quant à la hausse des risques de développement de problèmes cardiaques. (Crise cardiaque, arythmie, insuffisance cardiaque, AVC, infarctus du myocarde, etc.) De même, les autorités préviennent sur les impacts négatifs du THC sur les cellules neuronales. Le cannabis favoriserait alors l’enclenchement de la schizophrénie ou de troubles schizophréniques.

Une fois débarrassé de sa substance psychotrope, le cannabis légal a-t-il alors ses chances pour devenir légal ? La légalisation du CBD et des produits à base de chanvre industriel (avec un taux de THC inférieur à 0,3 %) est déjà un bon début.

Cannabis légal et illégal : le mot de la fin

Les propriétés médicinales potentielles du cannabis et ses composants (les cannabinoïdes) intéressent beaucoup la communauté scientifique ces dernières décennies. Le THC — l’un de ces principaux composants — se retrouve par exemple dans divers essais cliniques. Aux États-Unis, au Canada et dans quelques pays européens (Royaume-Uni, Espagne), certains médicaments comme le dronabinol (Marinol®) et le nabilone (Cesamet®) sont déjà prescrits sous forme de pilules. Ils interviendraient entre autres dans le traitement des nausées et vomissements graves. Mais aussi des douleurs chroniques et pertes d’appétit chez des patients souffrant de problèmes de santé sérieux. (Comme le cancer ou le SIDA.) Il en est de même pour le Nabiximols (Sativex®). C’est un spray buccal développé dans le cadre du traitement de la sclérose en plaques.

Néanmoins, le cannabis légal fait encore l’objet de débats animés jusqu’à aujourd’hui. En France, les consommateurs doivent encore se tourner vers les produits « thérapeutiques » qui contiennent principalement du CBD. Certes, les chercheurs se penchent sur les vertus médicales prometteuses du cannabis en général. Mais le combat n’est pas encore gagné. Si les produits chimiques purifiés dérivés ou basés sur les cannabinoïdes de la plante de chanvre sont tolérés, l’usage du cannabis brut n’est pas encore autorisé — surtout à des fins récréatives. Il convient toutefois de rappeler que la France et l’Europe sont sur la bonne voie. Et ce, malgré le fait que la légalisation du cannabis comporte encore des défis économiques et juridiques majeurs. 

Envie de découvrir davantage sur le sujet ? Jetez un coup d’œil au nouveau livre « Can Legal Weed Win? The Blunt Realities of Cannabis Economics » de Robin Goldstein et Daniel Sumner. Les deux économistes américains vous y proposent de plonger dans l’univers de l’économie du cannabis légal et illégal

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