Le gouvernement d’Olaf Scholz a approuvé pour la première fois le cadre de la légalisation du cannabis à des fins récréatives. Cependant, le projet est soumis à l’approbation de l’Union européenne. Grâce à ce projet, l’Allemagne pourrait devenir le premier pays d’Europe à placer la production et le commerce de cannabis récréatif sous « contrôle public ». Le gouvernement allemand s’est en effet mis d’accord mercredi 26 octobre sur un cadre de légalisation du cannabis à usage récréatif par les adultes. Mais cela est encore sous réserve de l’approbation de la loi européenne, a annoncé le ministre de la Santé Karl Lauterbach.
Le cannabis est-il légal en Allemagne ?
« Das Gras », le mot allemand pour le cannabis, a subi quelques modifications législatives ces dernières années. La loi allemande sur le cannabis a en effet été modifiée le 10 mars 2017. Cela a é décidé lorsque le pays a légalisé la prescription de cannabis aux patients gravement malades. Mais d’autres options de traitement sont disponibles. L’amendement à la loi sur les stupéfiants (Betäubungsmittelgesetz) a introduit cet amendement. Il couvre également les frais de traitement par l’assurance maladie pour les patients.
La légalisation de l’usage médical est la première mesure prise depuis qu’une décision de justice de 1994 a exclu les sanctions pénales. Mais il faut que la quantité soit « faible », comme le stipulent les différents Länder allemands.
Le pays a décidé de légaliser la plante de cannabis en 2022. Il est temps de rédiger le projet de loi, de le mettre au vote, de voter. Puis, il faut commencer à produire et à distribuer du cannabis aux adultes. Toutefois, la première vente légale ne devrait pas commencer avant 2024.
Modèle basé sur celui du Canada
Il s’agit d’une nouvelle forme de légalisation en Europe. Elle peut s’apparenter notamment au modèle marketing observé depuis plusieurs années au Canada et dans certains États aux États-Unis. En Europe, plusieurs pays autorisent déjà leurs citoyens à consommer du cannabis à des fins thérapeutiques ou récréatives. Cependant, cette autorisation est le plus souvent basée sur la tolérance.
Ainsi, aux Pays-Bas, la possession, la consommation et la vente au détail de cinq articles au maximum sont tolérées dans les cafés depuis 1976. Mais leur culture et leur vente en gros, principalement contrôlées par des associations criminelles, sont interdites. En Espagne, la production pour un usage personnel et la consommation dans des clubs privés est autorisée. Mais le commerce et la consommation publique sont interdits.
Mieux protéger la jeunesse et stopper le marché noir
Le ministre a justifié cette réforme en voulant « obtenir une meilleure protection des enfants et des jeunes ». Il a en effet jugé que la politique actuelle inefficace dans un contexte d’augmentation de la consommation de cannabis.
Il a déclaré qu’environ 4 millions de personnes dans ce pays avaient consommé une drogue dite douce l’année dernière. Un quart de ces personnes avait entre 18 et 24 ans.
Dans le même ordre d’idées, le ministre de la Justice Marco Buschmann a conclu qu’une politique purement répressive avait échoué. « C’est pourquoi nous voulons légaliser de manière responsable la consommation de cannabis. Cela signifie des produits de meilleure qualité et donc une protection de la santé ». Cela signifie aussi un soulagement pour la justice qui peut « se concentrer sur des choses plus importantes », a-t-il évalué sur son Twitter.
Dans le détail, le document adopté ce mercredi 26 octobre prévoit un « contrôle public de la chaîne d’approvisionnement du cannabis ». Il a pour but de « garantir la protection de la santé et réduire le crime organisé ainsi que le marché noir ». Ce dernier organise « la production, la fourniture et le commerce de cannabis récréatif sous des licences contrôlées par l’État ». Il permet également la culture de trois plantes de cannabis par adulte pour un usage personnel.
Sa vente sera « strictement contrôlée ». Les détaillants n’auront pas le droit de faire de la publicité. Et les emballages devront communiquer les risques et rester « neutres ». « Nous ne voulons pas commettre les mêmes erreurs qu’avec l’alcool ou le tabac. En effet, les jeunes et les enfants sont les plus réceptifs aux promesses de l’industrie publicitaire », a souligné le commissaire du gouvernement aux drogues et aux addictions, Burkhard Blienerta.
Décriminalisation rare
Si le projet aboutit, l’Allemagne rejoindra le club des rares pays qui sont allés jusqu’à légaliser la drogue. Il rejoint ainsi le Malte en Europe ou le Canada et l’Uruguay sur le continent américain. Le Pays-Bas, un pays pionnier, accepte la possession, la consommation et la vente jusqu’à cinq grammes de cannabis dans les « coffee shops » depuis 1976.
De nombreux États l’ont jusqu’à présent dépénalisé en levant les peines de prison pour les utilisateurs ou en autorisant son utilisation à des fins médicales uniquement.
La légalisation de cette plante psychoactive est la réforme phare promise par la coalition FDP des sociaux-démocrates, des Verts et des libéraux lors de son lancement en décembre, essentiellement à l’initiative de ces deux derniers partis. Les sociaux-démocrates s’y sont longtemps opposés. M. Lauterbach lui-même a dit qu’il avait changé de position au cours des deux dernières années.
L’opposition conservatrice reste généralement opposé à ce projet. Le ministre bavarois de la Santé, Klaus Holetschek, a qualifié la décision du gouvernement de « signal dangereux pour toute l’Europe ». Il affirme aussi qu’il craignait que la légalisation n’attire les fans de cannabis d’autres pays européens vers l’Allemagne.
Les réglementations légales les plus importantes envisagées concernant la légalisation du cannabis
Le document sur la question clé a été élaboré après un échange intensif d’informations avec des experts et des groupes d’intérêt. Cela fait partie d’un processus de consultation initial dirigé par le commissaire du gouvernement fédéral aux toxicomanies et aux drogues. Lors de la mise en œuvre du projet de coalition, le gouvernement fédéral tient compte de son cadre juridique international et européen. A cet effet, il publiera une déclaration sur l’interprétation des accords internationaux existants. Il soumettra aussi un projet de loi dans le cadre de la notification à la Commission européenne.
Voici les grandes lignes dans cette documentation :
- À l’avenir, le cannabis et le tétrahydrocannabinol (THC) ne seront plus légalement classés comme drogues.
- La fabrication, la livraison et la distribution sont autorisées sous autorisation et contrôle gouvernementaux.
- L’acquisition et la possession d’une quantité maximale de 20 à 30 g de cannabis récréatif pour la consommation personnelle dans les lieux privés et publics sont autorisées sans sanctions.
- La culture privée de cannabis est autorisée sur une base limitée.
- Les enquêtes et les poursuites pénales en cours doivent être achevées pour des actes qui ne sont plus de nature pénale.
- La distribution peut avoir lieu avec contrôle de l’âge dans les magasins spécialisés agréés et, si nécessaire, dans les pharmacies.
- La publicité des produits à base de cannabis est interdite.
- Un cahier des charges est établi pour assurer la qualité et la propreté.
- L’âge minimum pour la vente et l’achat est de 18 ans (éventuellement avec une limite supérieure de THC de 21).
- Une taxe spéciale à la consommation (« taxe sur le cannabis ») est prévue.
- Des mesures éducatives et préventives liées au cannabis sont développées, ainsi que des conseils et des offres de traitement pour les groupes cibles.
Les détails de tout le contenu prévu peuvent être trouvés dans le document du gouvernement fédéral sur les principaux enjeux de la vente contrôlée de cannabis.
La réglementation européenne, principal obstacle
L’usage par les moins de 18 ans est toujours strictement interdit, a précisé le ministre de la Santé. Ce dernier a justifié cette réforme. Cela ferait de l’Allemagne l’un des pays les plus libéraux d’Europe, en cherchant à « obtenir une meilleure protection des enfants et des jeunes ». Il a également estimé que la politique actuelle dans ce domaine « n’était pas efficace ». « Si tout se passe bien, je pense que la légalisation pourra avoir lieu en 2024 », a souligné le ministre social-démocrate. Reste à savoir si cela se concrétisera.
Les lois européennes sur le cannabis peuvent en fait faire obstacle à la légalisation en Allemagne. Il a souligné que « nous sommes dans la phase où nous examinons si les grandes lignes que nous avons tracées dans ce document sont conformes au droit international et européen ». Si la Commission européenne ne donne pas son accord, le document ne débouchera pas sur le texte de l’acte, a-t-il précisé. Dans un accord de coalition entre le SPD Olaf Scholz (centre-gauche), les Verts et le FDP (pro-business) ont convenu d’introduire « une commercialisation contrôlée du cannabis adulte destiné à être consommé dans des magasins sous licence ».
Augmentation du « tourisme de la drogue » ?
Il faut savoir que ce plan doit encore être approuvé par le Bundestag et soutenu par la Commission européenne. Avec lui, le gouvernement d’Olaf Scholz remplit l’une des promesses contenues dans le contrat de coalition.
Mais, selon le Mitteldeutsche Zeitung, il ignore également les inquiétudes concernant les conséquences d’une telle libéralisation. « Des experts criminels surveillent de près ce projet gouvernemental », lit-on dans le titre. Ils craignent l’émergence d’un « tourisme de proximité de la drogue » et s’inquiètent du développement d’un marché illégal parallèle.
Le gouvernement allemand s’est engagé à introduire une loi selon laquelle « le prix de vente dans les pharmacies et les magasins d’État se rapprochera du prix sur le marché noir ». Il continuera également d’interdire « le cannabis vendu sous forme de nourriture, comme des gâteaux ou des bonbons ».