L’utilisation récréative du cannabis est un sujet de débat en Europe depuis de nombreuses années. Alors que certains pays ont légalisé ou dépénalisé sa consommation, la France reste ferme dans sa position contre la légalisation. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, il y a environ 900 000 usagers quotidiens de cannabis en France, ce qui en fait une préoccupation majeure pour le gouvernement. Alors que des sénateurs socialistes appellent à réglementer le cannabis, la déléguée ministérielle Valérie Saintoyant a réaffirmé la position de la France contre cette normalisation lors d’une audition au Sénat. Zoom sur les raisons de cette décision.
Existe-t-il une différence entre dépénalisation et législation ?
En termes de sens, dépénalisation et législation laissent souvent entendre une certaine similarité. Il convient ainsi de mettre en lumière chaque aspect pour une meilleure compréhension.
Dépénaliser ou renoncer à considérer l’usage d’un produit comme une infraction pénale
La dépénalisation de l’usage d’un stupéfiant signifie qu’on renonce à en faire une infraction jugée par le tribunal correctionnel. Aujourd’hui en France, l’usage de stupéfiants tel que le cannabis, est considéré comme un délit, passible d’une peine d’emprisonnement et d’une amende. Depuis quelques mois, il est possible de régler cette infraction par un paiement d’une amende forfaitaire délictuelle de 200 euros. D’ailleurs, cette amende sera inscrite au casier judiciaire de l’auteur du délit. Si l’amende n’est pas payée, cela peut entraîner une audience devant un tribunal correctionnel et une éventuelle peine de prison.
Ainsi, la dépénalisation ne signifie pas nécessairement la suppression de l’interdiction, mais plutôt la suppression de la procédure pénale. C’est ce qu’a fait le Portugal en 2001, où la consommation de stupéfiants est considérée comme une infraction administrative qui n’est pas systématiquement sanctionnée. Le but principal étant d’accompagner et de soigner les consommateurs plutôt que de les réprimer.
Légaliser ou donner un cadre légale pour l’accès à un produit comme le cannabis
La légalisation de l’usage d’un produit ne signifie pas la suppression de toutes les restrictions et de tout contrôle. Légaliser l’usage du cannabis, c’est passer d’un cadre où tout est interdit et sanctionné à un cadre où l’accès au produit, son usage et/ou sa détention sont autorisés. Ce cadre peut inclure une réglementation stricte supervisée par l’État, concernant la production, la distribution et l’accès au cannabis. Cela peut passer par une réglementation du prix, l’interdiction d’accéder au produit avant un certain âge ou dans certains lieux, des campagnes d’information et de sensibilisation ou encore l’interdiction de la publicité.
Certaines pays ont légalisé le cannabis à des fins récréatives et thérapeutiques, tandis que d’autres uniquement pour des fins thérapeutiques. Au niveau international, le cannabis et ses dérivés sont considérés comme des stupéfiants par la Commission des stupéfiants des Nations unies. Cela, bien que ces produits aient été reclassés dans une catégorie moins restrictive en décembre 2020, ouvrant la voie à la reconnaissance de leur potentiel thérapeutique.
En résumé, on peut dire que la légalisation du cannabis signifie que l’accès, l’utilisation et la possession du produit sont autorisés, mais sous certaines conditions et restrictions qui peuvent varier selon les pays. Cela peut inclure des règles strictes sur la production, la distribution et l’accès au cannabis, ainsi que des campagnes d’information et de sensibilisation. Il est important de noter que même si certains pays ont légalisé le cannabis, cela n’est pas encore reconnu au niveau international en tant que légal.
La France et le cannabis : les cas de pénalisations
Le cannabis THC est considéré comme stupéfiant et produit illicite en France. Sa consommation, sa vente ou toute forme d’accès à cette substance est passible de sanction pénale.
Parmi les infractions pénalisables on peut citer :
– La possession de cannabis : 3750 euros d’amende et 1 an d’emprisonnement (article 3421-1 du Code de la Santé Publique)
– Vente ou trafic de cannabis : 7500000 euros d’amende et 10 ans d’emprisonnement (article 222-37 du Code Pénal)
– Cannabis au volant : 4500 euros d’amende et 2 ans d’emprisonnement (article L235-1 du Code de la route)
La position du gouvernement français face à la légalisation du cannabis
La déléguée ministérielle Valérie Saintoyant a clairement réaffirmé la position du gouvernement français contre la légalisation du cannabis lors d’une audition devant la commission des Affaires sociales du Sénat. Elle a déclaré que « la lutte contre la consommation de cannabis est une préoccupation majeure pour le gouvernement ». Cette déclaration reflète la position ferme du gouvernement français contre la réglementation du cannabis, et ce, malgré les appels de certains sénateurs socialistes à légaliser le cannabis.
En outre, le président Emmanuel Macron a exprimé sa réticence envers la légalisation du cannabis en mars 2022, lors de la présentation de son programme à la presse. Il a déclaré qu’il n’était « pas favorable à la légalisation du cannabis ». Cette position n’a pas changé depuis, le gouvernement reste ferme dans sa position contre la légalisation malgré les arguments avancés pour une légalisation et les exemples étrangers de dépénalisation.
Les arguments avancés par les sénateurs socialistes pour réglementer le cannabis
En août 2022, un collectif de 31 sénateurs du groupe Socialiste, écologiste et républicain a publié une tribune dans le journal Le Monde appelant à légaliser le cannabis en France. Les signataires de cette tribune avancent plusieurs arguments en faveur de la légalisation.
Tout d’abord, ils estiment qu’une réglementation permettrait de contrôler la qualité sanitaire des produits consommés. En effet, en légalisant le cannabis, il serait possible de contrôler sa production et sa distribution. Cela permettrait de garantir la qualité des produits consommés et d’éviter les risques pour la santé liés à une consommation de produits de mauvaise qualité.
Les sénateurs avancent également l’argument d’un frein aux trafics. En légalisant le cannabis, il serait possible de réduire les activités illégales liées à sa production et à sa distribution, ce qui aurait pour effet de réduire les profits des trafiquants et de limiter les violences liées aux trafics.
Enfin, ils avancent l’argument d’un développement de plans de prévention financés par la taxation des produits. Légaliser le cannabis permettrait de taxer les produits. Ceci aura pour résultat la possibilité de financement de plans de prévention destinés à éduquer les consommateurs sur les risques liés à la consommation de cannabis. Aussi les aider à se sevrer si nécessaire.
En somme, ces sénateurs socialistes estiment que la légalisation du cannabis permettrait de contrôler la qualité sanitaire des produits, freiner les trafics et développer des plans de prévention financés par la taxation des produits.
Quelques exemples étrangers de légalisation ou de dépénalisation du cannabis
En Europe, Malte est le seul pays à avoir légalisé l’usage récréatif du cannabis. En décembre 2021, une loi a été adoptée permettant non seulement de consommer, mais également de cultiver de la marijuana. Cependant, cette normalisation est encore récente. Il est donc difficile de mesurer ses effets sur la société et sur les consommateurs de cannabis.
Par ailleurs, l’Allemagne est en train de préparer une légalisation de la consommation récréative du cannabis d’ici à 2024. Le ministre de la Santé Karl Lauterbach a présenté une première feuille de route visant à légaliser la consommation du cannabis. Il a déclaré que « l’objectif est d’assurer une meilleure protection des enfants et des jeunes, mais aussi une meilleure protection de la santé »
En outre, plusieurs pays européens ont dépénalisé la consommation de cannabis, comme l’Espagne, le Portugal, ou les Pays-Bas. Cela signifie que les consommateurs de cannabis ne risquent ni amende ni peine de prison. D’ailleurs, ces pays ont adopté cette politique pour des raisons similaires à celles avancées par les sénateurs socialistes français, notamment pour freiner les trafics et protéger la santé des consommateurs.
Cependant, malgré ces exemples, la France ne semble pas disposée à suivre cette voie. Bien que l’analyse de ces derniers ou les appels des sénateurs puissent être concluants, la France reste ferme quant à sa décision sur ses politiques de restrictions.
Pourquoi la France reste-t-elle réticente malgré ces avancées ?
Toujours selon Mme Saintoyant, déléguée de la mission interministérielle de la lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), les exemples étrangers de légalisation ou dépénalisation ne sont pas concluants pour la France. En référence aux pays européens qui ont légalisé, ou dépénalisé, la consommation récréative du cannabis, elle a expliqué que « à la lumière des expériences étrangères, nous considérons qu’il n’y a pas de réussite ».
Toutefois, les raisons précises de cette conclusion n’ont pas été évoquées. Il est possible que cela soit lié à des préoccupations spécifiques à la France telles que des considérations culturelles ou politiques qui rendraient la légalisation moins viable ou acceptable pour le gouvernement
Conclusion
En résumé, les avancées en termes de réglementation du cannabis dans les pays européens ne suffisent pas à convaincre la France à suivre la tendance. Bien que les arguments présentés par les sénateurs puissent sembler concluants pour certains pays, le gouvernement français reste réticent à la réglementation du cannabis. Une position qui n’est pas si mal compte tenu des risques liés à la consommation de cette drogue. Cependant, cette restriction suffit-elle à préserver la population française des effets nocifs du cannabis ?