Renaud Colson donne son avis sur le CBD

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Renaud Colson, maître de conférences en droit à l’université de Nantes, nous livre aujourd’hui ses réflexions sur le CBD.

Quelle a été la voie légale du CBD jusqu’à présent ?

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L’histoire de la consommation de cannabis par les hommes est très ancienne. Toutefois, le cannabidiol (CBD) qui en est issu est bien plus récent. En effet, la molécule de CBD n’a été découverte que dans les années 1940. A l’exception de quelques chimistes, jusqu’à récemment, cette substance n’intéressait pas grand monde. Ses propriétés relaxantes et anxiolytiques n’attirent l’attention que depuis quelques années. L’incertitude juridique autour de cette molécule a donné à certains entrepreneurs la perspective de profiter d’un marché en pleine expansion – celui du cannabis – tout en évitant les risques liés au trafic de drogue.

L’extraction du CBD du chanvre et sa commercialisation sous diverses formes se sont développées dans plusieurs pays au début des années 2010. En France, ce phénomène s’est manifesté en 2018, lorsque de nombreuses boutiques vendant des produits à base de CBD sont apparues. Cela a surpris le gouvernement. Premièrement, il a réaffirmé l’interdiction du cannabis et de ses dérivés pour interdire le commerce du CBD.

Rappelons qu’en France, il existe une interdiction stricte de toutes les opérations liées au cannabis. Il existe quelques exceptions légales à cette interdiction, mais elles sont strictement définies. Elles sont prévues à l’article 5132-86 du code de la santé publique et préparé par l’ordonnance du 22 août 1990. Toutefois, ces dérogations ne s’appliquent qu’à une vingtaine de variétés de cannabis. Ces derniers ne peuvent être utilisés que pour la production de fibres et de graines. Mais à condition que leur teneur en THC ne dépasse pas 0,3 %. Sur la base de ces textes, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) a conclu dans une note publiée le 11 juin 2018 que l’usage et la commercialisation de la fleur de cannabis sont totalement interdits. De plus, le CBD n’était légal au commerce que sous certaines conditions très difficiles à respecter dans la pratique. Pour que ce produit soit vendu légalement en France, il devait provenir uniquement de fibres et de graines de chanvre, à l’exclusion des feuilles et des fleurs. En revanche, il n’y a aucune trace de THC (la molécule psychoactive du cannabis) qui est plus ou moins inévitable sauf pour le CBD synthétique.

La réaction du gouvernement semblait exagérée. Insuffisant sur le plan économique, il était également critiquable sur le plan juridique. En effet, si le droit européen interdit aussi le cannabis, il est en revanche moins contraignant que le droit français en ce qui concerne l’exploitation du cannabis non stupéfiant. On se retrouve donc dans une situation où les sources européennes et nationales du droit ont établi des dérogations qui ne se correspondent pas exactement. Toutefois, elles peuvent aussi s’appliquer sur le territoire français, avec des conséquences très différentes. Dans ce type de situation, une seule solution : aller voir un juge pour lui expliquer le sens de la loi. C’est ce qui s’est passé avec l’affaire Kanavape.

Au début de l’affaire, deux entrepreneurs en herbe ont développé la cigarette électronique Kanavape, dont le liquide contenait du cannabidiol. Cette activité s’est traduite par des poursuites judiciaires contre de jeunes start-up pour infractions répétées à la réglementation sur les substances vénéneuses. Les condamnés de première instance ont fait appel devant un tribunal d’Aix-en-Provence. Ce dernier a renvoyé l’affaire devant la plus haute juridiction européenne afin qu’elle se prononce sur le sens de la loi. La décision rendue le 19 novembre 2020 permet d’y voir plus clair, mais laisse de nombreuses questions sans réponse.

Quelle est la situation exacte aujourd’hui ? Que peut-on faire commercialement et qu’est-ce qui est interdit ?

La Cour de justice de l’Union européenne a établi que le CBD produit à partir de chanvre n’est pas une drogue, même si le produit vendu contient des traces de THC. Par conséquent, les lois applicables au chanvre ne s’appliquent pas au CBD. De plus, cette substance, si elle est légalement produite dans les pays voisins, peut être commercialisée dans l’Union européenne. Les juges européens désavouent donc la France avec leurs conclusions, mais le cadre réglementaire n’a pas changé à ce stade. Les autorités françaises reconnaissent désormais que l’importation et la commercialisation de CBD produit dans un autre pays de l’UE doivent être tolérées. Ces actions sont-elles légales ? En aucun cas, elles ne sont réglementées. Bien que la vente de CBD ne soit plus strictement interdite, un certain nombre de règles importantes doivent être respectées dans tous les cas.

Tout d’abord, la composition annoncée du produit vendu doit impérativement correspondre à sa composition réelle. Cela permet de ne pas induire en erreur quant à la marchandise (Article L441-1 du Code de la Consommation). Il est également conseillé de ne pas donner au CBD une valeur thérapeutique. Nous n’avons pas affaire à une drogue. Toute suggestion contraire est passible de poursuites pénales en vertu de plusieurs articles du code de la santé publique. De plus, les publicités pour les produits CBD ne doivent pas promouvoir le cannabis ni encourager sa consommation. L’article L3421-4 du code de la santé publique précise que présenter sous un jour favorable l’usage illicite de stupéfiants, notamment de cannabis, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Dans le cas des fleurs de chanvre, la situation est plus simple. Leur utilisation est tout simplement interdite. Il est interdit de les mettre sur le marché, mais aussi de les utiliser pour la production de CBD. La violation de cette interdiction peut entraîner l’application des sanctions prévues à l’article L5432-1 du code de la santé publique sur les substances vénéneuses. Les sanctions prononcées sont considérables : cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.

Quelle pourrait être la situation demain ?

cbd

Des négociations interministérielles sont en cours pour réviser le décret du 22 août 1990. Par ailleurs, une mission d’enquête parlementaire qui continue de travailler sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis a récemment présenté un rapport d’étape. Ce dernier préconise de sécuriser au plus vite la filière naissante du « cannabis bien-être« . La vente de CBD produit hors de nos frontières étant autorisée en France, il semble raisonnable d’autoriser les producteurs de chanvre à utiliser les tiges et les graines. Mais ils peuvent aussi utiliser les feuilles et les fleurs pour extraire une denrée précieuse. Il serait économiquement absurde et juridiquement dangereux de ne pas procéder à cette réforme. Le maintien d’une interdiction de production de CBD naturel exposerait la France au risque d’un nouveau contentieux devant les juridictions européennes. De plus, l’arrêt Kanavape met clairement en doute la nocivité de la substance.

Toutefois, l’histoire ne s’arrêtera pas là. Il est difficile de comprendre comment autoriser l’utilisation de tout le chanvre pour la production de CBD ne s’étendrait pas à la capacité de vendre des fleurs. Cependant, ils ne doivent pas dépasser la teneur en THC autorisée. Le rapport susmentionné de la mission parlementaire va également clairement dans ce sens. Mais cette évolution risque de prendre du temps, et le secteur du cannabis n’est pas à l’abri de mauvaises surprises. Des rumeurs de couloirs laissent entendre que le gouvernement envisage, sous la pression de la loi européenne, d’autoriser les produits à base de CBD. Mais la vente de fleurs, de feuilles séchées ou de tisanes restera interdite. Nous en saurons davantage dans quelques mois, mais ce ne serait pas une surprise. Le gouvernement est bien conscient que le « cannabis light » est un cheval de Troie du cannabis récréatif.

La tactique consistant à développer des relaxants au cannabis non narcotiques (se détendre sans se défoncer, herbe sans se défoncer) pour donner à cette drogue un nouveau respect est excellente. Mais soyons honnêtes : le développement de ce marché s’inscrit dans la dynamique globale de la légalisation. Et les entrepreneurs du CBD sont au service de ce développement historique. Quoi qu’en dise l’industrie du CBD, la promotion du « bien-être du chanvre » s’accompagne de la banalisation des herbes et de la diffusion de la culture du cannabis. Dès que le gouvernement insiste sur le fait qu’il veut faire la guerre aux consommateurs de cannabis, il est obligé d’imposer des freins. Et pour cause : les fleurs de cannabis légal et de cannabis illégal sont visuellement identiques. Leur diversité nécessite des tests en laboratoire pour déterminer avec précision leur composition moléculaire. Toute cette politique de victimisation des usagers de cannabis, qui repose sur leur verbalisation immédiate sur la voie publique, pourrait être remise en cause si la vente au détail de fleurs était autorisée. Pourtant, depuis de nombreuses années, la politique française en matière de drogue est largement dictée par le ministère de l’Intérieur. De plus, l’air du temps ne restreint pas le pouvoir de la police. Il faut donc s’armer de patience. En effet, si la légalisation du cannabis s’impose par nécessité, l’histoire se déroule lentement et parfois en bégayant.

Sur le plan stratégique, pour accélérer le trafic, l’industrie du CBD ferait bien de reconnaître le lien indissoluble qui lie ses activités au marché du THC. Le cannabis est une plante unique riche en effet entourage qui nécessite une combinaison de terpènes et de divers cannabinoïdes. Il est imprudent de lutter avec la séparation de ces différents ingrédients pour ne commercialiser que du CBD en prétendant confusément qu’il ne s’agit pas d’un produit psychotrope. Cette position répond provisoirement aux exigences d’un législateur brutal et d’un marché aveugle. Mais il s’agit d’une attitude discutable sur le plan éthique qui s’avérera économiquement inefficace pour les producteurs et distributeurs français à terme. Pour plus d’information sur le CBD, vous pouvez visiter ce site

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